
Proposer une bulle d’évasion, un cocon coloré, une expérience onirique, une expérience du beau, une immersion visuelle et sonore…
Des fresques numériques sont projetées dans le salon des familles pour les patients et les proches. Ces œuvres d’une grande qualité artistique ont été produites par Karine et Stella Gil-Esteban, deux sœurs qui intègrent dans leurs créations numériques des dessins réalisés par différents publics au cours d’ateliers.

Les couleurs des fresques sont tour à tour vives et pastel, douces et acidulées. Le paysage inspiré de la nature invite au voyage, et accueille naturellement les dessins créés en ateliers.
Les mouvements sont délicats et donnent vie au paysage, les dessins sont animés et la musique accompagne les différents tableaux. La bande sonore accompagne l’animation, elle contient des nuances qui parlent à l’inconscient et favorise largement la sensation d’immersion.
Les sons sont tantôt cristallins, tantôt plus graves, le rythme varie délicatement avec les tableaux et fait parfois écho à des sons que l’imaginaire collectif associe à des grands moments de cinéma jeunesse…
L’histoire du projet
L’institut Hop’Art a échangé avec le service pour recueillir les envies et les idées de l’équipe, et comprendre les enjeux de cette unité. Un témoignage a retenu notre attention. À l’issue de la projection de plusieurs courts métrages dans l’unité, une patiente a dit un jour « j’ai eu l’impression de prendre ma journée ».
L’institut Hop’Art a eu envie de proposer un voyage à ces patients, et les œuvres immersives de l’association Yotta sont apparues comme un beau moyen d’évasion onirique. Ces œuvres sont d’une grande qualité, et on le sait (l’OMS le dit), le beau fait du bien. Leur format court (10-12 min) est adapté à différents états de fatigue, et elles peuvent être projetées en boucle. Sans narration, le spectateur peut entrer et sortir à tout moment du salon des familles convertis en salle de projection.




Trois jours de projection en soins palliatifs
Une fois le matériel installé et le salon réaménagé, les projections débutent. Au cours des deux journées et demie de projection, la moitié des patients vient voir la projection, en marchant – avec ou sans pied de perfusion -, en fauteuil ou alité.
Le premier patient, un octogénaire, arrive en fauteuil, il est très curieux de la fabrication des œuvres et échange longuement avec les artistes et la médiatrice de l’institut Hop’Art. « Regardez comme c’est beau », il prend des photos pour montrer plus tard à ses amis. Il demande un café, la projection continue, « je retombe en enfance… »
« C’est joli », « ça détend », « c’est apaisant », commentaires les plus entendus.
Musicien, ce monsieur s’intéresse à la production musicale et commente les œuvres « Le reflet c’est une très bonne idée ça bouge ». Plus tard, alors en soins, il conseillera à sa femme et sa fille de venir.
Une patiente vient avec ses enfants, deux jeunes adolescentes, puis elle revient avec ses parents. C’est alors un moment partagé, comme on se fait une toile en famille ou entre amis. Certains parlent un peu, souvent le silence entre eux s’installe…
« Je suis heureuse que mes parents aient assisté à la projection à mes côtés », une patiente.
Deux sœurs se charrient en riant, une tête se penche sur une épaule, une main en saisit une autre…
« C’est joli, c’est féérique » femme d’un patient depuis 63 ans
Des amis de passage, rejoigne une patiente et après avoir commenté leur trajet s’arrêtent de parler un moment. « Ce sont de belles couleurs… Ça donne envie de voyager… ».
Les œuvres sont projetées en boucle, certains patients sont amenés par les soignants, certains proches hésitent avant de rentrer et de s’offrir un moment de détente. Une jeune patiente, la vingtaine vient voir les œuvres. Elle parle peu mais murmure à plusieurs reprises « c’est joli… ».
Une jeune femme, la vingtaine, fille d’un patient nous confie :
« _ Ça me détend…
_ C’est l’idée…
_ Ça marche très bien en tout cas. »
À chaque spectateur, on propose de présenter les œuvres. Il y a les bavards, ceux qui souhaitent s’immerger dans les œuvres sans parler, ceux qui sont plus fatigués… Certains s’y réfugient. « Ils ont tout gâché, ils m’ont sortie de ma bulle », dit une proche appelée par des membres de sa famille pendant une projection.
« J’ai oublié un temps ma douleur », une patiente.
Parce que la vie dehors continue, que les proches travaillent, la fatigue parfois s’accumule. Un homme, la trentaine qui vient tous les jours voir sa fiancée : « C’est apaisant… c’est joli… surtout que j’ai eu une matinée difficile. »
En fin de journée, la mère d’une patiente se pelotonne sur le canapé, épuisée. Elle garde pourtant les yeux ouverts et regarde les 3 œuvres…
« C’est une bonne initiative, pour les patients et pour leurs proches », femme d’un patient.
J’ai oublié un temps ma douleur
Une patiente
L’unité Douleur et Soins Palliatifs Intégrés
À l’hôpital Albert Chenevier à Créteil, l’unité Douleur et Soins Palliatifs Intégrés (UDSPI) accueille des patients présentant une maladie grave, à un stade avancé, chronique ou terminal de leur affection. Les soins prodigués s’adressent au malade en tant que personne, à sa famille et à ses proches dans une approche globale de la personne. Leur objectif est de préserver la meilleure qualité de vie possible aux patients en soulageant les douleurs physiques et les autres symptômes d’inconfort ressenti tout en prenant en compte la souffrance psychique, sociale et spirituelle du patient mais aussi de son entourage. L’unité compte 10 chambres individuelles.
Le salon des familles est un lieu très fréquenté par les familles ; elles y vont pour se reposer, parler, attendre pendant un soin etc. Il a été réaménagé en septembre 2024 et est accueillant et confortable.

Les oeuvres
Karine et Stella créent et animent des paysages et des univers. Les couleurs sont parfois éclatantes à l’image des forêts luxuriantes de l’œuvre Folia, parfois douces et subtiles. Le mouvement qui anime ces paysages poétiques est subtil, « je m’adresse à l’inconscient », explique Karine. Pour la musique c’est la même chose, il y a certains éléments de la bande sonore qu’on ne perçoit pas au premier abord mais qui participe de cette évasion et de cet état méditatif qui s’empare de celui qui contemple ces œuvres.
Karine et Stella réalisent des fresques numériques coconstruites sous forme d’ateliers avec des maisons de quartiers, des EHPAD, des IME, et des établissements accueillant des personnes en situation de handicap. Les participants à ces ateliers produisent des dessins qui sont ensuite intégrés et mis en animation par les artistes. Quelque soit la capacité du dessinateur, son œuvre fera partie de la fresque. Un simple trait peut devenir une fusée si l’on y ajoute une propulsion, un dessin abstrait peut être intégré sur une forme de poisson, et certains dessins sont démultipliés pour nourrir le paysage (des fleurs ou des papillons par exemple). La démarche de Yotta est « d’aller vers » les personnes et de renforcer la « visibilité », les talents et les potentialités de chacun.
Les œuvres peuvent être projetées sur un, deux ou trois murs pour offrir une immersion adaptée aux espaces.
Savoir que nos créations apportent réconfort et sérénité aux patients et à leurs familles confère un sens profond à notre démarche artistique.
Karine et Stella Gil-Esteban, artistes
Les projections en images
Témoignage complet de Yotta
« Notre projet s’articule autour d’un objectif simple mais essentiel : apporter du réconfort et de l’apaisement aux patients en milieu hospitalier, souvent confrontés à l’angoisse et à la solitude. À travers des projections de fresques immersives, nous souhaitons transformer les espaces de soins en lieux propices à l’évasion et à la sérénité, en offrant des fenêtres vers des odyssées visuelles et des espaces oniriques.
Nos créations intègrent également la notion d’apesanteur dans les animations, qui suscite un sentiment subtil de légèreté, offrant un bien-être émotionnel invisible mais précieux. Cette sensation de flottement permet aux patients de se détacher, même pour un instant, du poids de leur quotidien, en leur offrant un moment de libération et de légèreté.
Pour amplifier cette expérience immersive, un design sonore accompagne chaque fresque. Composé de sons doux, naturels et enveloppants, il renforce l’impression d’évasion en plongeant les patients dans une atmosphère sonore harmonieuse, favorisant un relâchement encore plus intense du corps et de l’esprit.
Ces fresques ne sont pas de simples décorations : elles sont conçues comme des expériences multisensorielles qui adoucissent le quotidien des patients, leur offrant un moment de contemplation, de sérénité.
L’idée est de recréer un « ailleurs » dans le cadre hospitalier, d’ouvrir des portes vers des univers qui atténuent les murs de l’hôpital et transforment cet espace souvent austère en un lieu d’inspiration et de douceur. Par ces projections artistiques, nous espérons insuffler une part de chaleur, en offrant aux patients et à leurs familles une expérience qui éclaire leurs journées et enrichit leur parcours de soins.
Ce projet représente une opportunité pour nous de mettre l’art au service d’une cause en créant des œuvres qui vont bien au-delà de l’esthétique. Il nous permet d’explorer un nouvel impact émotionnel en tentant de toucher le public d’une manière intime. C’est un défi artistique et technique stimulant, où chaque élément – du son à l’image – doit être pensé pour favoriser l’apaisement et le bien-être.
Savoir que nos créations apportent réconfort et sérénité aux patients et à leurs familles confère un sens profond à notre démarche artistique. »
Portrait de Yotta
Les sœurs GIL ESTEBAN sont des artistes numériques.
Deux sœurs, une équipe …
Stella GIL ESTEBAN est photographe et graphiste, diplômée de l’Ecole des Gobelins. Passionnée par les musiques classiques, tribales et contemporaines, elle étudie l’harmonie des sons, les fréquences acoustiques, et devient designer sonore pour apaiser et éveiller les perceptions, avoir un impact sensoriel. Déployant son autre talent de scénariste, elle monte avec sa sœur une agence de création de vidéo publicitaire. Depuis 2010, elle gère ainsi pour de grandes marques des projets numériques et vidéo auxquels elle apporte sa créativité conceptuelle, graphique et sonore, poursuivant aujourd’hui l’aventure avec des voyages immersifs sans frontière.
Karine GIL ESTEBAN est artiste peintre & vidéaste numérique. Dès ses débuts en tant que peintre décoratrice pour le théâtre, le cinéma et les grandes enseignes, Karine conserve un amour du très grand format. Marquée au début des années 2000 par une rencontre initiatrice avec le pigment et la matière, elle s’ouvre aux associations spontanées de couleurs, de masses et de contrastes, lâche prise, et travaille alors à partir de son inconscient. Sur des toiles immenses qui lui semblent pourtant toujours trop limitées, elle transpose ses visions intérieures en abstractions puissantes et cosmogonies magiques. Elle découvre le numérique et la vidéo qui lui ouvrent de nouveaux champs d’investigation. Dans ce nouveau monde qui repousse encore les limites et contraintes, elle continue d’accueillir la vivance du processus créatif, et poursuit le dialogue d’âme à âme.
Le travail de Yotta
Retrouvez le travail de Yotta sur leur site internet.
L’association YOTTA est constituée d’artistes, de bénévoles, de membres de soutien, qui s’assemblent dans un projet collaboratif visant à faire vivre la culture et la partager pour le plus grand nombre possible de citoyens, avec un média numérique innovant.
Yotta réalise principalement des fresques numériques co-construites sous forme d’ateliers avec des maisons de quartiers, des EHPAD, des IME, et des établissements accueillant des personnes en situation de handicap. Ces œuvres sont ensuite exposées et projetées au grand public. Le projet est imaginé à la fois dans une dynamique « d’aller vers » les personnes et d’ouverture de l’établissement pour favoriser l’inclusion sociale et le vivre ensemble. Il s’appuie sur le processus d’autodétermination des participants. La restitution au sein de l’établissement favorise le lien social et permet de renforcer la « visibilité », les talents et les potentialités de chacun.
L’association YOTTA produit également ses propres spectacles, dans le respect de ses valeurs, pour faire découvrir des projets artistiques et culturels avec des expériences immersives. Elle propose un concept clé en main qui permet l’installation d’une salle immersive itinérante et adaptable à tout type de salle pour des projections sur plusieurs écrans.
Des communes d’Ile de France leur ont fait confiance pour intégrer dans leur politique culturelle éducative des projets participatifs bénéficiant à des structures prioritaires. Yotta travaille également à l’expression artistique des enfants et adolescents en situation de handicap ou présentant un trouble du spectre autistique. L’association explore une approche sur la santé mentale qui associe la création artistique et le numérique pour faciliter l’expression des émotions, atténuer l’anxiété et promouvoir le bien-être.
Vous cherchez des informations sur la fin de vie est les soins palliatifs, c’est par ici.
Vous souhaitez en savoir (encore) plus?
Un projet cofinancé par
&